30.11.08

Mille notes, Mille mots, Mille peines

Juste un texte, comme ça, parce que ce passage de la Bohème me prend toujours autant aux tripes. Et pour ceux qui veulent entendre le fameux passage, c'est dans le lecteur deezer juste en dessous du texte. Le Do traine depuis le départ, le moment fatal est à 1:30.

C’est l’histoire d’un écrivain. Enfin un écrivain. Vite dit. Un gars qui écrit, qui essaye d’écrire. Il écrit parce qu’il a mal. Mal de quoi ? Il sait pas. Il a mal, c’est tout. Et chaque fois qu’il écrit sa douleur passe. Un peu. Enfin il croit. C’est peut-être juste un prétexte pour écrire.
Ce qui est sur, c’est qu’écrire, il aime ça. Quand il écrit, il est bien. Il oublie tout. Sa vie n’existe plus. Pourtant, quand il écrit, il utilise une grande part de lui. Mais bon, c’est pas pareil. Comme un autre lui très similaire et très différent. Quelqu’un qu’il connait de l’intérieur, qu’il sait très bien décrire (marrant, décrier est anagramme de décrire, synonyme aussi…), mais qui vit sa vie à lui. Et puis des fois (souvent), leurs vies se croisent, fusionnent, se séparent.
Monde parallèle.
Et puis il aime ces ambiances sombres, à la frontière du glauque. Avec la trompette bouchée qui joue en fond. Alors il les raconte, il vide sa tête.
Sa tête. Parlons-en. Trop pleine, trop utilisée, trop usée. Les mots tournent dedans à deux-cents à l’heure, ayant juste le temps de former des phrases avant d’être remplacer par d’autre. Il parait qu’on appelle ça la pensée. Ouais, un truc du genre.
C’est ptet pour ça qu’il aime écrire d’ailleurs. Enlever quelques mots de sa tête, les laisser couler sur du papier. C’était quoi l’expression déjà ? Larmes de plumes. Ouais, ça doit être pour ça.
Mille mots pour mille larmes, mille larmes pour mille peines. Alors même que pour une peine, il en faudrait dix-milles et plus.
Bah… Tout ça c’est rien que du pipeau pour écrire de toute façon.
En parlant de pipeau, pourquoi mille notes ? Parce que si dix-mille mots ne suffisent pas à exprimer une peine, une note suffit à exprimer dix-milles peine.
Parce que c’est ça, sa vraie façon de déverser ses flots de tristesses, les notes. C’est pas lui qui a inventé ça d’ailleurs. La musique vide les cœurs là où les cœurs ont vidé les mots. Et il en faut pas beaucoup, hein.
Comme dans ce passage de La Bohème. Non, pas la chanson d’Aznavour hein. La Bohème de Puccini. Vous savez (Note de l’auteur : non, vous savez surement pas, bande d’ignares que vous êtes, c’est bien pour ça que je vais la résumer !), ce mythique opéra qui raconte une histoire si simple, si actuelle. Rodolfo, artiste aime Mimi. Elle est malade, elle va mourir bientôt. Il est inquiet de la perdre. Elle l’apprend, et décide de ne plus jamais le revoir. Et puis, finalement, elle revient, demande son pardon à Rodolfo. Lui, évidemment, lui accorde. Elle meurt.
Au même moment, la musique vous transperce. Une note, qui n’en fini pas, un Do. Un accord majeur, cinglant, et une mélodie si simple : cinq notes... Rideau.
Pourtant n’importe quel musicien le sait, un accord majeur, c’est gai, c’est pas triste. Et puis cinq notes. Y en a que douze de toutes façon. Pourtant… Ce passage, il l’oubliera jamais. C’est bête, hein ! Mais pourtant, le jour où il l’a entendu, c’était pas des notes. C’était juste Mimi qui venait de mourir dans les bras de son homme, et c’était juste des larmes qui coulaient de son cœur.
Depuis cet instant, il a su que, à jamais, ses peines se déverseraient en notes et ses mots ne feraient que les accompagner.
Mille peines, Mille mots, Mille notes.